MACHIAVEL ET LE PRINCE 1989

Machiavel : « Voilà, ils dansent, les cons. Que leur a-t-on dit ?
- Comme tu me l'as conseillé, on leur a dit que les ennemis de la liberté sont tombés.
- Bien, très bien, aucun n'a réalisé que c'est leur liberté qui vient de tomber ?
- Non, j'ai acheté les journalistes, demain j'achète les journaux et les télés.
- C'est un bon investissement. Maintenant, tu dois leur faire une liste de mots que plus personne ne doit prononcer : Prolétariat, pauvres, riches ; tous ces mots qui marquent une barrière entre nous et les autres doivent tomber.
- Ok, j'y mets des linguistes dessus, je vais inventer un concept : le think tank. Et ces boîtes travailleront sans relâche à atténuer le langage.
- Veille aussi à remplacer chaque mot par un faux-ami, un anglicisme, des oxymores, des trucs qui fassent modernes et ne veulent rien dire, tu vois ? Genre flexi-sécurité
discrimination positive
égalité des chances 
Il faut que le vocabulaire empêche de penser. Le temps qu'ils cherchent un dictionnaire, ils ne se souviendront plus qu'en fait on les licencie en masse.
- Pas de problème, on va donner des consignes aux think tanks, ils vont gratter les neurones jour et nuit pour nous. Les cons croiront que c'est une new-solution pour développer des pratiques intégratives dans le cadre de projets participatifs partagés démocratiquement avec les acteurs locaux pour mutualiser la rentabilité et la solidarité indispensables face à la mondialisation.
- Qu'est-ce que ça veut dire ?
- Rien
- Parfait. Ils oublieront que nous sommes riches et eux pauvres. Tu verras qu'ils finiront par nous donner leur chemise.
Ah j'oubliais,

FAIS RÉPÉTER QUE CE SONT LES BLANCS QUI SPOLIENT LES NOIRS ET NON PAS NOUS QUI SPOLIONS TOUT LE MONDE.

N'oublie pas mes antiques leçons : DIVISER POUR RÉGNER.

1989, la chute du mur de Berlin a marqué l'avènement sans alternative (apparente) au libéralisme
Première liberté :
1- libéralisme vient de liberté. On entend liberté mais on n'entend pas de qui. C'est en fait la liberté pour les entreprises de faire tout ce qu'elles veulent pour s'enrichir.

2-Avec la chute du communisme, on ne parlera plus de lutte des classes. Ce mot disait trop de choses. 
Donc plus de luttes, et semble-t-il, plus de classes, donc plus de séparation. Le libéralisme se donne un dogme : n'importe qui peut devenir riche en travaillant.

Le problème est que les « travailleurs » (on ne dit plus non plus, on dit « salariés ») travaillent durement pour pas grand chose et que n'arrivent à sortir de la pauvreté (on ne dit plus pauvreté mais précarité, la pauvreté, on n'a rien et c'est pour la vie, la précarité, on a, mais on peut perdre provisoirement ou en sortir) que très exceptionnellement, juste pour l'exception qui confirme la (fausse) règle.

On le voit, les mots sont modifiés pour atténuer l'idée que l'on se fait de sa mauvaise situation... et de ce qu'elle est générée par les abus d'une classe dominante hypocrite.

Voici ce que donnerait un discours d'avant 1989 :

Les pauvres crèvent de faim pendant que le patronat s'enrichit outrageusement.

Après 1989 ; il s'écrit ainsi :

Les demandeurs d'emploi vont pouvoir signer des contrats avec les acteurs du monde économique, dans le cadre d'une mondialisation bien comprise, la précarité ne sera qu'un accident de parcours qu'il faudra éviter au prix d'un effort concerté... etc...

La réalité : les pauvres deviennent de plus en plus pauvres, les riches deviennent de plus en plus riches.
Mais si vous formulez ainsi, vous passerez pour 
- has been
- passéiste
- excessif
- rétro-communiste
- archéo-gauchiste
- dépassé
- donc inemployable.

Le piège est refermé.